Beni, là qu’on jeta notre grain de sénevé

En septembre 2021, plongé dans la crise humanitaire post volcanique du Nyiragongo, et conscient de la crise sécuritaire en détérioration, AGIR RDC avait au fond d’elle la volonté d’aider partout où la détresse faisait sa loi, mais ne savait comment y aller. Si quelques actions de garantie à l’accès à l’information aux couches vulnérables, de prise en charge psychologique ou alors de la réinsertion économique commençaient à être balisées au bénéfice des sinistrés de l’éruption du Nyiragongo du 21 mai 2021 dans le Goma et le Nyiragongo, la majeure partie de la province courtisait la paix sans en avoir la main malgré les multiples dragues, parfois tendres, parfois pitoyables.

En 2021, la région de Beni fait toujours son deuil, les massacres à répétition ne font plus la Une des journaux, et pourtant AGIR RDC y garde son œil compatissant, mais débordé par le choc indescriptible. Au-delà de la situation sécuritaire gravement alarmante depuis 2014, ayant fait plus de 10 000 morts, s’ajoute la résurgence de la maladie à virus Ebola. Comment donc une si jeune organisation pouvait-elle apporter sa pierre pour reconstruire une région qui s’écroule ? C’est la question qui se pose dans les couloirs d’AGIR RDC à Goma à l’époque. Mais il fallait trouver un coup secret, une approche qui met au centre l’humain désireux d’aider et l’humain en besoin. On fait appel au volontariat, cet Adn d’AGIR qui l’a vu naitre quelques mois auparavant, et Beni répond présent. Nous avons un volontaire au cœur d’un Beni en hémorragie. Il devient un espoir pour nous, nous croyons à l’époque qu’il peut participer à l’arrêt du saignement !

Mais il faut vite trouver une manière d’agir. L’urgence à l’époque, c'est d’abord la riposte à la maladie à virus Ebola. Nous savons que l’absence de lavage des mains, le non-respect des règles d’hygiène, … constituent des facteurs favorisants la propagation de la MVE. Alors, grâce à une donation des filtres de traitement d’eau nous faite par nos amis et partenaires de Safe Tape, notre volontaire se lance. Il assiège sans tarder les écoles : les filtres sont installés, des clubs de paix et environnementaux sont créés, des séances de sensibilisation sur des thématiques liées à l’hygiène sont régulièrement ténues au sein des écoles et centres sociaux, … et quelques mois après, la maladie à virus Ebola est déclarée défaite dans la zone. A cette époque, c'est la première joie, la première satisfaction, avoir participé à cet effort de guerre pour éradiquer la MVE.

Mais les problèmes de la région de Beni sont complexes, avec pour tète de liste, l’insécurité tragique qui semble déterminée. Trop vite, le premier volontaire est rejoint par une deuxième, celle-ci est une assistante psycho sociale. Ils rejoignent alors les déplacés des massacres dans leurs sites (Kabalaka, Manghote et Goshen), ils les regroupent dans des groupes de parole pour une prise en charge psychologique et l’implémentation d’un programme d’accès à l’information sur  diverses thématiques (santé, vivre ensemble, sécurité, genre et famille, …). Ils assiègent les centres de santé, y sensibilisent sur l’allaitement maternel et des thématiques transversales, ils rejoignent les chrétiens dans leurs églises à Beni pour insister sur l’ensemble de ces thématiques.

Au-delà de la prise en charge psychologique et de la mobilisation communautaire qui marchent déjà bien, les deux volontaires initient les personnes déplacées internes aux caisses de solidarité qui deviennent avec le temps des associations villageoises d’épargne et de crédit (AVEC). Cette approche d’autonomisation des déplacés séduit vite l’ensemble de nombreux partenaires qu’AGIR RDC a pu mobiliser au niveau de la ville de Beni depuis septembre 2021. Lors du renforcement des « AVEC » des PDIs en mai 2023, le bureau de coordination des actions humanitaires en territoire de Beni, chapeauté par Madame Modibawagoto Lekopole Estimée déclara : « AGIR RDC a trouvé la bonne voie. La meilleure assistance à ces déplacés, c'est soutenir leur autonomisation. C’est un travail de fond que vous menez et nous vous en félicitons. Ce ne sont que de bons résultats qui peuvent en sortir »

Nombreux partenaires se sont maintenant approchés et/ou ont ouvert des portes à AGIR RDC dans la ville de Beni. Son travail y est fortement apprécié, et les efforts consentis sans ménagement malgré les maigres moyens ne restent pas sans fruits.

Près de deux ans après seulement, AGIR RDC a atteint 6314 ménages dont 46,51% sont dirigés par les femmes, dans les sensibilisations et formations sur la protection de l’environnement, les pratiques familiales essentielles, la lutte contre les VBGs, l’éducation financière, le vivre ensemble, le planning familial… Cinq clubs de paix ont été créés en ville de Beni, 2 associations villageoises d’épargne et de crédit, et chaque année autour de 2256 écoliers sont régulièrement sensibilisés et mobilisés sur les thématiques liées à l’hygiène, l’environnement et à la paix. Tous ceux-ci ne sont pas que des chiffres, c’est surtout la partie visible d’un iceberg d’abnégation et d’engagement de nos volontaires aux côtés et avec les populations de Beni, une petite victoire que l’on célèbre sans ménagement.

Le grain de sénevé jeté dans le champ de Beni par AGIR RDC en septembre 2021 fait pousser lentement, mais surement une forêt d’efforts conjoints pour que Beni revive la paix et le bien-être social. Nous sommes conscients que cela ne suffit pas, il faut bien au-delà des efforts politiques à long terme et stratégiquement sécuritaires pour imposer la paix ici à Beni. Mais l’évangile se concrétisera, et notre grain de sénevé ne séchera point. Telle est notre foi.

Précédent
Précédent

Madame Kavugho , Symbole de Résilience et d'Espoir à Beni

Suivant
Suivant

Renforcer les travailleurs domestiques via la formation sur le Code du travail; une meilleure protection de leurs droits.