Désolation après une tempête à Bulengo.
RAPPORT DE LA VISITE DES PREMIERS SECOURS DE L’EQUIPE D’AGIR RDC UN JOUR APRES LA TEMPETE TRAGIQUE DANS LE CAMP DES DEPLACES DE BULENGO
1. Le camp de Bulengo
Établi en janvier 2023, le camp de déplacés de Bulengo a progressivement accueilli un nombre croissant de personnes déplacées tout au long de l'année, portant sa population à plus de 150 000 individus. En raison de sa taille considérable et de sa population importante, ce camp se distingue comme le plus vaste parmi ceux autour de Goma. Cependant, les constructions fragiles exposent ses occupants à divers dangers, dont les intempéries qui ont d’ailleurs endeuillé les familles ici à Bulengo.
2. Contexte de la tempête
Le 14 mars dans l'après-midi, une tempête d'une grande violence a frappé la ville de Goma et ses environs. Les quartiers de Mugunga et Lac Vert ont subi d'importants dégâts. Le camp de déplacés de Bulengo, situé près du lac et construit de manière précaire, a été particulièrement affecté : plus de 30% des habitations précaires et des équipements des organisations humanitaires ont été détruites, entraînant de nombreux blessés et des pertes en vies humaines.
« La tempête était si violente que nous avons craint pour nos vies. J'étais chez moi avec ma femme et nos 8 enfants, cherchant refuge contre la pluie, lorsque notre maison a commencé à trembler. Elle a été secouée si violemment qu'elle s'est envolée, nous laissant exposés aux éléments. Nous rendons grâce à Dieu car personne dans ma famille n'a été blessé. Cependant, d'autres n'ont pas eu cette chance, car de nombreux voisins ont été blessés. » Hamuli, un déplacé venu de Kitshanga arrivé ici en février 2023.
3. Le dégât materiel
Les abris des familles ainsi que les installations des organisations humanitaires ont été gravement endommagés. Plusieurs victimes ont été laissés sans abri sous la pluie, d’autres blessés, et malheureusement deux personnes y ont trouvé la mort. Dans la foulée, l’espace AGIR RDC au milieu du camp a été totalement détruit par la pluie. La maison d’écoute qui sert chaque semaine plus de 300 personnes a été déterrée par le vent violent, à la grande désolation de ces bénéficiaires qui ont vu leur maison commune par terre plus loin à plus de 30 mètres. D'autres structures, telles que Johaniter, MSF, et d'autres encore, ont subi des dommages similaires. Les abris de fortune, habituellement construits avec des bâches, ont été ravagés et emportés par de violents vents.
« Nous étions dans notre maison, ma femme, mes trois enfants et moi, lorsque la tempête a frappé. Soudain, la maison s'est effondrée sur nous. Par je ne sais quelle magie, je me suis retrouvé à l'extérieur, tandis que ma femme et mes enfants étaient coincés sous les décombres. Au-dessus d'eux, notre maison en bâche s'était effondrée, et des débris provenant de la maison d'AGIR étaient également présents. J'ai crié à l'aide et les voisins sont venus me secourir, nous avons réussi à soulever les débris. J'ai retrouvé ma femme blessée à la tête, mais les enfants étaient sains et saufs. Nous avons été accueillis par les voisins et aujourd'hui, nous essayons de reconstruire. » Kigingi, bénéficiaire d’agir rdc un déplacé de guerre venu de Murimbi il y a environ un an, dont la maison a été écrasés par les débris de la maison d’écoute d’AGIR RDC.
Sur place, notre équipe de la santé mentale a pris soin de cette famille dont les membres ont connu encore une rechute. Une assistance matérielle pour son relèvement s’avère aussi nécessaire.
4. Les dégât Humain
Plus de cent individus ont été blessés et seulement dix-sept avaient reçu des soins médicaux des structures de santé locales à notre arrivée. Lors de notre visite (1jour après les dégâts), nous avons rencontré plusieurs blessés qui n'avaient pas encore été pris en charge. Notre équipe médicale a pris certains en charge notamment par le pansement et l’administration de certains médicaments essentiels. Malheureusement, deux décès ont été rapportés : une femme et son enfant en bas âge. Durant la tempête, un arbre s'est abattu sur leur abri, et bien que quatre enfants aient réussi à s'échapper, la mère et son bébé ont été tragiquement été écrasés sous le poids de l'arbre.
« La tempête a été violente. Moi, mes enfants et mes petits-enfants étions dans la maison lorsque soudain, notre maison ainsi que celle de nos voisins s’est effondrée. Je me suis retrouvée coincée avec mon petit-fils âgé d’une semaine. Incapable de parler, ma tête était sous des débris et je saignais abondamment. J’ai commencé à taper mes jambes pour attirer l’attention des gens. C’est ainsi que j’ai été sauvée. Je me suis rendue au dispensaire, mais il avait également été détruit par le vent. Ils m’ont conseillé de chercher de l’aide ailleurs. Depuis hier, je suis à la recherche de soins. Heureusement, les enfants ont reconstruit la maison, car nous n’avions nulle part où aller. » Mawazo, une femme déplacée de Kitshanga âgée de 65 ans.
5. Sur la santé mentale
Le stress est extrêmement visible sur le plan mental, notamment chez les populations déplacées dans les camps. Elles traversent une grande souffrance due aux pertes qu'elles ont subies et au sentiment d'être malchanceuses et abandonnées par Dieu, devant tout reconstruire à partir de zéro.
En résumé, la tempête a ravivé les traumatismes vécus pendant la guerre, réactivant ainsi des souvenirs douloureux, des peurs et des angoisses liées aux événements passés. Cela a exacerbé les symptômes de stress post-traumatique (TSPT) et d'autres troubles liés au stress. La tempête ajoutant une autre couche de menace et d'incertitude, peut intensifier ces sentiments, rendant difficile pour ces personnes de se sentir en sécurité.
Furaha Buholo est préoccupée pour sa santé mentale en voyant la destruction de la maison d'écoute. « La tempête a emporté nos maisons, la farine et d'autres provisions ont été endommagées par la pluie, mais ma plus grande inquiétude concerne notre groupe de parole. Normalement, c'est là que nous nous réfugions lorsque nous sommes accablés par des problèmes. Est-ce la fin ? » se questionne Furaha Buholo au passage de la première équipe d’AGIR RDC.
Comme à chaque rebondissement, la vulnérabilité de ses populations s’accroit et ce, sur tout le plan. Ça n’aurait pas de l’être le moment de cette pluie violente, autant la situation est intenable comparativement à il y a un an. Mais c’est arrivé, et le mieux à faire, vus les besoins exprimés et constatés, c’est venir en aide de plus à cette population.