NOTRE JARDIN MULTICOLORE

Nous sommes à Bulengo, un camp de déplacés situé à l'ouest de Goma, abritant des milliers de personnes qui ont fui les conflits armés. Ici, la vie est une lutte constante, incertaine pour les enfants, les hommes et les femmes. Pourtant, malgré tout, ils gardent l'espoir qu'un jour, un navire de paix naviguera sur cet immense océan de désolation.

 

Un Théâtre Participatif pour Rallumer l’Espoir

Aujourd'hui, au cœur de Bulengo, un théâtre participatif a vu le jour. Une tribune d'expression collective s’est ouverte pour donner une voix à un silence longtemps étouffé, une béquille pour un espoir fragile. Ce projet vise à rallumer la flamme d'espérance au sein de cette communauté déchirée par la guerre, pour qui la paix n'est qu'un slogan, et qui n’a pour seule arme de résistance face au désespoir que l’espoir lui-même.

À travers le théâtre et la musique, les cultures se sont unies en spectacle, et les différences ont été célébrées au nom de la fraternité. "Nous sommes des fleurs aux couleurs différentes, mais ensemble, nous embellissons l’univers", ont-ils chanté avec conviction.

Le théâtre a offert un moment de répit et de divertissement, essentiel pour le bien-être psychologique des déplacés. Pendant ces instants précieux, ils ont pu oublier les difficultés du quotidien et retrouver un sentiment d’épanouissement personnel, se sentant utiles et précieux dans leur communauté.

 

Lutte contre les Préjugés et Promotion de la Cohésion Sociale

Dans ce contexte de guerre, les conflits ethniques et les stéréotypes liés aux appartenances culturelles ou religieuses minent la liberté et la cohabitation pacifique au camp de Bulengo. Les accusations de sorcellerie, d'empoisonnement et d’autres préjugés alimentent les discordes, pouvant même mener au rejet ou à la mort.

Pendant le théâtre participatif, les participants ont utilisé l’opportunité pour sensibiliser la communauté à la cohabitation pacifique, au respect de la diversité culturelle, et à la communication non violente. La profondeur et la sensibilité du message ont non seulement capté l’attention du public, mais aussi provoqué une joie immense chez les participants, avec une forte envie de pardon.

"Après avoir tout perdu à Shasha en fuyant la guerre le 2 février de cette année, j’étais remplie de colère. J’avais envie de payer les Mai-Mai pour exterminer ceux qui ont pillé ma maison, car je connaissais leurs identités. Mais grâce aux conseils d'Albert, de Lucie, et aux séances d'écoute avec Maman Bora, mon cœur s’est apaisé. Aujourd'hui, je me sens libre. AGIR RDC m'a beaucoup aidée, me consolant et m'encourageant à accepter ma situation, même après avoir perdu mes biens et mes proches", nous confie Riziki Béatrice, cheffe de la chorale du théâtre participatif.

Comme Riziki, de nombreux autres membres de nos groupes de parole ont manifesté une joie et une solidarité particulières. Aujourd'hui, nous pouvons témoigner d’un véritable processus de guérison qui commence à porter ses fruits.

 

Des Témoignages qui Touchent le Cœur

J'avais cinq enfants, mais deux sont morts en fuyant la guerre.

"Je suis un enfant de Rutshuru, tu es un enfant de Kitchanga, je suis un enfant de Kirotche, tu es un enfant de Karuba. Qu’avons-nous fait au bon Dieu ? Nous avons abandonné nos champs et nos troupeaux. J’étais mère de cinq enfants, mais deux sont morts en fuyant la guerre. Je me demande si cette guerre est politique."

Cet extrait poignant d’un chant de théâtre, *"Vita ni ya sihasa ?"* ("Cette guerre est-elle politique ?"), reflète l’incompréhension des déplacés face à ce cycle de violence qui ne cesse de se répéter. Pourquoi ces tragédies sont-elles les mêmes, jour après jour ?

La guerre est brutale, une tempête qui balaye tout : vies, espoirs et rêves. Depuis près de 30 ans, de nombreux décrets ont été signés, des protocoles mis sur table, mais la communauté déchirée par la guerre continue de subir les conséquences tragiques de l’inaction du gouvernement et du silence de la communauté internationale.

"Nous avons tout perdu pendant la guerre : nos biens et, surtout, nos proches. Nous les avons vus s’effondrer et mourir en chemin. Nous avons vécu les atrocités sans personne à qui nous confier ou plaider notre cause. Mais aujourd'hui, je ressens une immense joie, car lorsque personne n’était là pour nous, AGIR s’est engagé à nous soutenir. Les conseils dans les groupes de parole nous ont permis de comprendre notre situation et de libérer nos esprits des pensées négatives", témoigne Seth Kabumbi, membre d'un groupe de parole et figurant dans la pièce de théâtre.

Nous Voulons Rentrer Chez Nous et Cultiver Nos Champs

D’où vient cette énergie qui anime les déplacés de Bulengo ? Cette force qui leur permet de rester courageux et sereins malgré la souffrance, portant le poids de l’incertitude sur leurs épaules ? D'où vient cette énergie, qui parfois nous manque pour espérer et résister ?

"Avant la guerre, j’étais acteur de cinéma à Shasha. En jouant dans cette pièce sur la sensibilisation à l'hygiène de l'environnement, j’ai eu l’impression de revivre ma carrière d’artiste. À cause de la guerre, je n’ai pas pu continuer mes activités par manque de moyens. Mais j'ai compris que, même sans emploi, tant que j’ai la paix du cœur, c’est suffisant pour moi", confie Seth Kabumbi.

Ces représentations théâtrales publiques constituent un complément précieux aux actions humanitaires entreprises par AGIR RDC. Elles répondent à des besoins variés, contribuant à améliorer le bien-être psychologique et social des déplacés, à renforcer la cohésion sociale, et à promouvoir la culture de la paix.

"Nous n'avons rien à manger depuis des jours. Nous mourons de faim. Nous souhaitons retourner chez nous, cultiver nos champs, oublier les souffrances vécues et commencer une nouvelle vie", disent-ils dans la pièce de théâtre.

Pour eux, cultiver la terre n’est pas une simple activité agricole, ni une quête de profit. C’est un acte d’amour, un retour à la vie. C’est cette existence précieuse qu’ils souhaitent retrouver.

Un Appel à l'Espoir et à l’Action

Quand ce cauchemar prendra-t-il fin ? Quand une pluie de joie arrosera-t-elle enfin ces terres arides ? Quand le sourire et la joie refleuriront-ils ici ?

Il est essentiel de ne pas baisser les bras, de ne pas se laisser emporter par le désespoir. Il faut redoubler d'efforts. Nos actions comptent, et elles peuvent changer des vies. Nous rêvons tous d’un monde où chaque personne a une voix et la capacité de réaliser son plein potentiel.

Cette motivation anime les animateurs et les psychologues qui, pendant des mois, ont préparé ces participants pour produire ce méga-spectacle. Que Dieu les bénisse.

 

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