Un Jardin de Réconciliation et d'Espoir à Manghote, Beni
« Mshaidi imara », « témoin débout » est une série de newsletters écrite sur des personnes ordinaires qui participent au maintien de la vie à Beni, et sur qui personne n’a déjà écrit. Cette série met en lumière l’engagement et la résilience de quelques hommes et femmes de Beni qui luttent au quotidien pour que les massacres n’aient pas raison de tout un peuple. Cette série ne reprend cependant qu’une petite représentativité.
KATHUNGU WASUKUNDI Régine
Avant de quitter Manghote, je me dirige au fond du quartier. Je vais y rencontrer un autre groupe des déplacés dans un site situé toujours au sud de ce quartier périphérique.
Ici, il y a quelques mois, existaient de graves conflits entre ces déplacés. Des conflits nourris par la diversité des villages d’origine et rivalités entre eux. Les animateurs d’AGIR RDC ont cherché plusieurs des moyens de réconciliation pour ces déplacés jusqu’en à trouver enfin. Cette femme, KATHUNGU WASUKUNDI Régine, a joué et joue un rôle capital dans le processus de réconciliation. Elle est présidente du site et de surcroit membre du groupe de parole d’AGIR RDC. Dans cette contrée où les sensibilisations sur le leadership féminin menées entre autres par nos animateurs donnent de bons résultats, Maman KATHUNGU WASUKUNDI Régine est l’une de ces femmes qui ont pris la responsabilité de gouverner les autres. Mais pour elles, les débuts ont été trop difficiles. Diriger une troupe dans laquelle chacun prend sa direction demande assez d’audaces et plus que deux mains. Maman KATHUNGU WASUKUNDI Régine en était bien consciente, alors elle a pris les mains des autres pour siennes afin de construire mieux ensemble. Avec nos animateurs, ils ont créé un moyen de rassemblement.
D’abord en entretenant une Association Villageoise d’épargne et de crédit comme dans d’autres sites. Mais cela n’a pas suffi. Il fallait bien une portion magique pour noyer ces bagarres et procès interminables dans la cour de ce site placé sur 100 m carrés. Lorsque AGIR RDC est venu renforcer leur AVEC, l’ensemble des membres du groupe ont dit ne pas être à mesure d’organiser de petits commerces, l’agriculture étant leur ADN. Cela a sonné dans les oreilles de KATHUNGU WASUKUNDI Régine et des animateurs comme une réponse à ce besoin pressant de réconciliation. Enfin, ces déplacés venaient d’exprimer une même opinion. Il fallait alors partir de là, les écouter et construire un intérêt commun. Leur AVEC devrait alors servir à trouver des semences et se chercher un champ urbain.
Maman KATHUNGU WASUKUNDI Régine, femmes de son état, mère de 6 enfants, originaire de Bulongo qu’elle a fui après avoir perdu 4 frères et sœurs dans sa petite, sa famille, s’est vite mis à l’œuvre en faisant adhérer ses codéplacés à l’idée.
Grace au plaidoyer d’AGIR RDC, ces déplacés ont pu trouver une parcelle dans une concession d’une grande Université de la place près de leur quartier. Ils y entretiennent désormais un jardin sur un espace de 100m sur 40. Chaque matin Maman KATHUNGU WASUKUNDI Régine y conduits ses gouvernés pour sarcler la terre. Cela se fait avec autant d’engagement qu’il est réaliste de se dire que ce n’est qu’un début. Dorénavant, cette trentaine de ménages travaillent ensemble, discutent, planifient et vivent ensemble harmonieusement. Ce jardin n’est pas seulement qu’un apanage pour croire à l’avenir, ce jardin est aussi le symbole d’un travail qui rassemble quand la détresse s’évertue à planter ses germes de division. Maman KATHUNGU WASUKUNDI Régine me le dit bien au milieu de ce vaste jardin : « C’est notre chez-nous ici. Ce jardin nous fait revivre dans nos villages. C’est aussi l’espérance, de retrouver un jour nos maisons et champs, que nous sarclons ici. » Elle le dit avec autant de conviction que je partage sa foi. Je la quitte quand elle se plaint d’une perturbation climatique qui fait mourir leurs choux qui ont besoin de tant d’eau dans ce Beni qui, exceptionnellement, au mois d’aout, manque de pluie.
Mais un jour après, il vient de pleuvoir abondamment. Le Dieu des travailleurs veut partager avec eux leurs maïs et choux. C’est juste la pluie qui manquait. La moisson sera agréable, KATHUNGU WASUKUNDI Régine et ses codéplacés y croient.
Comme toutes celles qui l’entourent, Maman KATHUNGU WASUKUNDI Régine a été, et est témoin des atrocités sans qualificatif qui impriment leur couleur à Beni depuis 2014. Mais elle reste debout et fait de sa responsabilité un limon fertile pour se relever, elle et les siens. Elle fait partie de ce Beni qu’on ne raconte pas, mais qui porte allégeance à un futur beau, prometteur et réparateur.